Éducation alimentaire : comment l'améliorer à l'école et à la maison ?

Par Marie-Céline Ray - Journaliste scientifique Publié le 08/03/2024 Mis à jour le 08/03/2024
Actualité

L'éducation alimentaire des jeunes est une responsabilité collective : la famille, le monde éducatif, et les politiques ont leur rôle à jouer.

L'école et la maison sont deux environnements propices à l'acquisition de bonnes habitudes alimentaires.

Qu'est-ce que l'éducation alimentaire ?

L'éducation à l'alimentation et à la nutrition en France

En France, en théorie, les enfants suivent un programme d'éducation à l'alimentation et au goût en classe tout au long de la scolarité, avec pour objectif de les aider à acquérir de bonnes habitudes alimentaires. Cet enseignement peut s'inscrire dans le cadre des programmes scolaires, ou d'activités spécifiques. 

Le cadre réglementaire
Le code de l’éducation dispose qu’« une information et une éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé mentionné à l’article L. 3231-1 du code de la santé publique et du programme national pour l’alimentation mentionné à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, sont dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial mentionné à l’article L. 551-1 du présent code. » (L. 312-17-3).

Des cours d'éducation alimentaire à l'école ?

"Les enseignants jouent un rôle clé pour apprendre aux élèves les règles d'un bon comportement alimentaire et leur faire connaître les effets de l'alimentation sur la santé," explique le ministère de l'éducation nationale sur son site. Les connaissances dans le domaine de l'alimentation sont développées au cycle 2 (du CP au CE2) et au cycle 4 au collège (de la 5e à la 3e, notamment dans les cours de sciences de la vie et de la terre). Le site Eduscol propose des ressources éducatives pour favoriser l'éducation à l'alimentation et au goût. 

Une étude menée en Normandie au sein de quatre écoles élémentaires a montré que les enseignants sont généralement peu formés à la nutrition, ce qui ne facilite pas leur tâche d'éducation à l'alimentation auprès des enfants (1). Souvent, comme le déplorent Anthony Fardet et Louis Lebredonchel, cette sensibilisation à la nutrition dépend de l'initiative personnelle de l'enseignant : "si l’éducation à l’alimentation a été pensée par le ministère de l’Éducation afin de répondre aux problématiques de santé qui lui sont liées (principalement à celle de l’obésité), il semble que, sur le terrain, les enseignants font comme ils peuvent avec ce qu’ils ont. La plupart des écoles et des enseignants auprès desquels nous avons enquêté n’ont jamais abordé la question de l’alimentation à l’école, faute de manque de temps et d’informations les guidant sur la manière de procéder," disent-ils dans un article paru sur le site The Conversation.

Exemple : un atelier d'éducation alimentaire en maternelle

Christine Zalejski, auteure de L'éducation alimentaire positive pour les 0-6 ans, réalise de nombreux ateliers de cuisine pour le monde de la petite enfance, en crèche et en maternelle, ou dans des associations. Elle a mis en place des activités adaptées aux très jeunes enfants, de moins de six ans, comme "Batoali" qui aborde la question des équilibres alimentaires entre nutriments. "Cet atelier pédagogique (testé régulièrement en crèches et écoles maternelles) permet de travailler avec les plus petits sur les différentes familles d’aliments, explique Christine Zalejski. Le but est de faire comprendre que toutes ces familles sont importantes pour faire avancer le bateau sur tous les océans de la planète. Le bon dosage de chaque élément permet au bateau une bonne cohésion pour voguer – tout comme les aliments dans une assiette équilibrée apportent tout ce qu’il faut au corps humain pour vivre."

Cantines et éducation alimentaire

En France, les cantines scolaires dépendent des collectivités territoriales : les mairies pour les écoles, les départements pour les collèges et les régions pour les lycées. Par conséquent, l'éducation à l'alimentation pendant le repas de midi dépend du bon vouloir de ces collectivités, mais aussi d'intiatives personnels (chefs de cuisine...), plus que de la communauté éducative. De même, le fait de se fournir auprès d'un producteur local relève souvent de la politique menée par la collectivité.

Pourquoi encourager l'éducation nutritionnelle à l'école ?

Les enjeux de l'éducation alimentaire de la jeunesse

En France, l'accroissement du surpoids et de l'obésité chez les enfants et les adultes est devenu un problème de santé publique, d'autant plus que l'obésité est un facteur de risque pour différents problèmes de santé : hypertension, diabète, maladies cardiovasculaires, problèmes respiratoires, certains cancers... La prévalence de l’obésité est passée de 8,5 à 15,0 % en France entre 1997 et 2012, pour atteindre 17 % en 2015.

L'objectif de l'éducation nutritionnelle dans les établissements scolaires est de prévenir ces maladies en agissant sur le comportement alimentaire d'un large public d'enfants et d'adolescents, dans une optique de justice sociale. Les jeunes de 6 à 15 ans sont particulièrement ciblés par le marketing des industries agro-alimentaires qui produisent des aliments ultra-transformés. Les enfants consomment même plus d'aliments ultra-transformés que les adultes : en 2015, en France, 45 % des calories apportées par les repas des enfants venaient d'aliments ultra-transformés contre 35 % chez les adultes (2). La prévention du surpoids des jeunes passe donc par l'éducation alimentaire, afin de leur apprendre à reconnaître et éviter ces aliments "obésogènes".

Dans son livre Sauvons notre alimentation, Christian Rémésy, ancien directeur de recherche à l'INRAE, insiste sur la nécessité de bien éduquer les jeunes à la nutrition : "Il est assez surprenant et révoltant que dans l’ensemble, les moins de 25 ans disposent d’une alimentation de bien moindre qualité que celle de leurs aînés." Or le capital santé des enfants peut se dégrader au fil des ans, s'ils mangent mal à long terme: "on naît avec un capital santé qu’il est raisonnable de ne pas trop dilapider rapidement. Si on est un peu mal nourri dans l’enfance et l’adolescence, en particulier à cause de l’exposition à trop de produits sucrés, si l’on rajoute une couche de malnutrition dans la période de jeunesse, si l’on poursuit ce laisser-aller nutritionnel en début de vie professionnelle, la possibilité de poursuivre la vie sans aucun problème de santé s’amenuise comme peau de chagrin."

L'intérêt de l'éducation alimentaire : les atouts du jardinage et de la cuisine à l’école

Des expérimentations menées en milieu scolaire montrent le bienfait de ces interventions au plus jeune âge. Ainsi, aux États-Unis, des milliers d'élèves ont participé au programme FRESHFARM FoodPrints afin d'encourager leur consommation de fruits et légumes.

Ce programme d'éducation alimentaire a été mis en oeuvre dans plus de 20 écoles primaires dans l'Est des États-Unis et inclus des cours de jardinage et de cuisine. Le premier partenariat scolaire a été établi il y a près de 15 ans, si bien que les participants les plus âgés sont aujourd'hui de jeunes adultes. Un réseau d'anciens élèves a été créé et entretenu au fur et à mesure que le programme se développait, ce qui a permis de suivre les participants.

Une étude de l’université George Washington a montré que cet apprentissage précoce a influencé positivement les décisions alimentaires des enfants à mesure qu'ils grandissaient. Au-delà de l'expérience en classe, les programmes ont accru l'implication des élèves dans les pratiques alimentaires familiales (3).

En France et en Europe : le projet de recherche PLAN'EAT Kids

En Europe, le projet PLAN’EAT concerne des populations à risque qui, pour des raisons financières, de santé ou de manque de connaissances, sont poussées malgré elles à manger moins sainement : familles monoparentales, étudiants, personnes âgées, malades chroniques, jeunes enfants et adolescents… PLAN’EAT est un projet de recherche participative basé sur neuf laboratoires vivants situés dans neuf pays européens, dont PLAN’EAT Kids pour la France, en Auvergne (4).

Comme l'expliquent les chercheurs de l'INRAE en charge du projet en France, "PLAN’EAT Kids cible le comportement alimentaire d’environ 250 enfants de 6 à 15 ans dans neuf établissements scolaires." Les premiers résultats indiquent que la présence d’un diététicien en milieu scolaire à temps plein était importante pour réaliser des menus équilibrés et servir de lien entre les différentes acteurs de l’écosystème scolaire. D'après ces chercheurs, "Une première estimation quantitative montre qu’avec environ 30 100 écoles élémentaires et 6 950 collèges en France, nous aurions besoin de 7 410 diététiciens (environ un diététicien pour 5 écoles) pour un coût annuel d’environ 145 millions d’euros par an (coûts salariaux à l’embauche). Ce coût serait largement compensé à long terme par les économies réalisées, notamment sur les coûts cachés de santé et environnementaux, estimés globalement à 177 Mds € pour la France."

Et à la maison, comment mieux éduquer nos enfants à l'alimentation ?

Comment avoir une bonne routine alimentaire avec ses enfants ? 

Le rôle des parents dans l'éducation alimentaire des enfants

À la maison, l'objectif des parents est de transmettre des habitudes alimentaires saines au jeune, qui l'accompagneront tout au long de sa vie.

Dans le cadre du projet PLAN'EAT Kids, les chercheurs ont observé dans les écoles que les goûters sont pour la plupart des aliments ultra-transformés et que les enfants identifient l'aliment surtout en fonction de la marque et de la forme de l’emballage. C'est pourquoi les parents ont un rôle important à jouer dans le choix de ces encas. "Le petit déjeuner et le goûter posent souvent des défis en matière d'équilibre alimentaire aux parents car ces deux repas sont particulièrement exposés aux aliments ultra-transformés", regrette le Dr Pascal Goncalves, médecin généraliste.

Voyons un peu plus précisément la mise en pratique dans les différents repas de la journée.

C'est quoi un régime alimentaire équilibré pour les enfants ?

Le petit déjeuner

Pour le Dr Pascal Goncalves, "le petit déjeuner devrait si possible comporter dans l’idéal : un produit laitier, un vrai fruit, des fruits à coque, et, selon l’appétit, des céréales complètes sous forme de pain ou de vraies céréales."

Le déjeuner

En France, le repas de midi comporte génralement trois plats : entrée, plats, dessert. Un équilibre est à trouver dans la journée pour bien répartir les protéines, les glucides et les lipides. Pour Christine Zalejski, "Le plat principal doit contenir des légumes riches en fibres, des céréales ou féculents et des protéines animales ou végétales (viandes, volailles, produits de la mer, œufs ou légumineuses) à raison d’une portion adaptée à l’âge de l’enfant. En France, nous avons l’habitude de classer les produits laitiers à part mais ils sont aussi riches en protéines et ils peuvent tout à fait remplacer les protéines animales." Le dessert sucré n'est pas obligatoire et on peut tout à fait manger un fruit pour commencer le repas.

Le plat principal doit contenir des légumes riches en fibres, des céréales ou féculents et des protéines animales ou végétales

Le goûter

"Concernant le goûter, sa composition à domicile peut ressembler à celle du petit déjeuner, mais en proportion plus limitée et il ne doit pas se substituer au repas du soir, " conseille Pascal Goncalves.

Le dîner

Comme à midi, le repas du soir pourra comporter des légumes, des céréales... Des aliments riches en oméga-3 comme les poissons gras peuvent favoriser le sommeil. Voici quelques exemples de plats adaptés pour le repas du soir, issus du livre L'éducation alimentaire positive pour les 0-6 ans de Christine Zalejski : 

  • Soupe et/ou veloutés de légumes de saison
  • Gratin de patates douces aux champignons
  • Cake aux épinards 
  • Lentilles et coquillettes à la courgette

Recommandations générales

Sachez qu'il faut parfois présenter un aliment à plusieurs reprises à un enfant pour qu'il finisse par l'accepter, parfois jusqu'à 15 fois (5). Ne vous découragez pas ! Il est important aussi de partager le repas en famille, à heure fixes. Des études montrent que les heures de repas variables peuvent perturber le rythme biologique et avoir des conséquences néfastes pour la santé (6). Les écrans sont aussi déconseillés aux heures des repas.

Soyez un modèle alimentaire pour votre enfant : vous ne pourrez pas le convaincre de manger des fruits et légumes si vous ne le faites pas vous-même (7). Préparez les repas en famille : apprendre à cuisiner favorise de meilleures habitudes alimentaires plus tard dans la vie. Enfin, plutôt que d'interdire les aliments "à risque" mieux vaut les limiter, car l'interdiction stricte peut être contre-productive et conduire les enfants à consommer plus ces aliments quand ils y ont accès (8).

En grandissant, les besoins des enfants évoluent. Pour plus d'informations sur les recommandations officielles pour les enfants et les adolescents, vous pouvez consulter les conseils du Programme national nutrition santé. Il conseille notamment 5 fruits et légumes par jour, des légumes secs deux fois par semaine, de préférer les céréales complètes ou semi-complètes à leurs versions raffinées, du poisson deux fois par semaine, de limiter les boissons sucrées, les aliments ultra-transformés et le sel... Gare aux bonbons et autres sucreries ! Les aliments sucrés augmentent le risque de caries et de diabète de type 2.

Pour aller plus loin, lire : La meilleure façon de manger

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