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Prévenir le vieillissement
Un régime mensuel mimant les effets du jeûne améliore l'immunité, diminue la graisse du foie et "rajeunit" l'âge biologique.
Comment enrayer ou arrêter les changements métaboliques qui accompagnent le vieillissement, afin d’améliorer ou de prévenir de nombreuses maladies humaines ? C’est le défi relevé par des chercheurs dans le monde entier.
Le vieillissement naturel, dit le Pr Valter Longo (Institut d’oncologie moléculaire, Milan), s’accompagne en effet d’une dérégulation du système immunitaire, avec une moindre résistance aux infections, des complications plus fréquentes en cas d’infection, et une plus grande susceptibilité aux maladies inflammatoires, en particulier celles d’origine auto-immune.
Il augmente aussi le risque de développer un syndrome métabolique, avec surpoids ou obésité, résistance à l'insuline, dyslipidémie et obésité abdominale, mais aussi accumulation de graisse dans le foie (stéatose hépatique non alcoolique ou NAFLD).
« L’alimentation est l’un des leviers principaux d’intervention sur le vieillissement », dit Valter Longo. Par exemple, elle peut modifier le microbiote. De même, en modifiant la qualité des glucides, les effets peuvent être majeurs : on sait que les glucides transformés, très digestes, à index glycémique élevé, jouent un rôle central dans l'accélération du processus de vieillissement et de la mortalité.
On pourrait aussi limiter les calories quotidiennes. Des études chez l'homme indiquent que la réduction chronique des calories de 15 à 20 % par rapport aux niveaux normaux d’apport a des effets puissants sur les facteurs de risque de diabète, de cancer et de maladies cardiovasculaires. Des études chez le singe indiquent que la restriction calorique (CR) peut prévenir le diabète ou la résistance à l'insuline chez la grande majorité des animaux et entraîner des réductions importantes de l'incidence du cancer et des maladies cardiovasculaires. Cependant, la restriction calorique chronique est une intervention sévère qui est impraticable pour la majorité de la population et provoque également des changements néfastes qui pourraient annuler ses effets bénéfiques, notamment une réduction du poids et de la masse maigre.
Chez l’animal, et peut-être aussi chez l’homme, la durée de vie est influencée par le nombre d’heures pendant lesquelles les repas sont consommés. Les rongeurs qui prennent leur repas dans une fenêtre de temps limitée (TRF ou time restricted feeding) ont une meilleure santé et une meilleure longévité. De même, le jeûne intermittent favorise chez l’animal la protection contre de multiples maladies et induit une prolongation de la durée de vie, et chez l’homme, réduit la résistance à l’insuline et d’autres facteurs de risque de maladies métaboliques.
Lire : Les meilleures formes de jeûne intermittent (abonnés)
Le jeûne est donc une piste particulièrement prometteuse pour intervenir sur le vieillissement et ses conséquences. Cependant, il n’est pas toujours facile de jeûner, en particulier sur de longues périodes, et le jeûne peut être contre-indiqué dans certaines situations, certaines maladies, et pour des populations âgées. Le Pr Valter Longo et ses collègues de l’Université de Californie à Los Angeles ont donc mis au point un régime imitant le jeûne.
Le régime imitant le jeûne, ou FMD
Le régime imitant le jeûne (FMD pour food-mimicking diet) est une intervention diététique à base de plantes, pauvre en calories et en protéines, d'une durée de 5 jours, que l’on peut suivre tous les mois pour reproduire les effets du jeûne. Plutôt que de s’abstenir totalement de nourriture, comme on le ferait lors d’un jeûne traditionnel, on consomme de petites quantités d’aliments riches en nutriments.
Le FMD apporte environ 1100 calories (kcal) le premier jour, et 800 les jours suivants jusqu’au cinquième jour. Le sixième jour on effectue une transition vers l’alimentation normale, qui est reprise le septième pendant 24 à 25 jours avant de commencer un nouveau cycle.
Les quantités spécifiques de macro et micronutriments sont les suivantes :
- 43 à 47 % des calories sous la forme de glucides ;
- 44 à 46 % de graisses ;
- 9 à 11 % de protéines.
Il existe actuellement un régime FMD préemballé et prêt à consommer, créé par le Dr Longo. Il ne contient pas de gluten ni de produits d'origine animale, c'est donc un régime de type végétarien ou végétalien. Chaque livraison contient cinq jours de soupes, de barres à base de noix, de snacks, de tisanes, et de suppléments de vitamines et minéraux pour prévenir les déficits liés à l’alimentation hypocalorique. Il y a aussi un supplément d’acides gras oméga-3 pour préserver la masse musculaire. Cependant, il est possible de concevoir son propre régime hypocalorique FMD avec des recettes simples basées sur les végétaux.
Chez la souris, les cycles de FMD permettent aux cellules et aux organes d'activer des processus de dégradation appelés autophagie, qui ciblent les cellules dysfonctionnelles. Ils sont suivis de phases de régénération ou de reprogrammation pendant la période de réalimentation au cours de laquelle de nouvelles cellules ou des cellules fonctionnelles en plus grand nombre sont générées.
Toujours chez la souris, lorsqu'ils sont démarrés à un âge moyen, dit le Pr Longo, les cycles de FMD augmentent la durée de vie ; ils réduisent de 45 % de l'incidence des tumeurs et diminuent fortement les maladies inflammatoires.
« Dans un essai clinique chez l’homme publié précédemment, ajoute-t-il, nous avons comparé les personnes qui suivaient 3 mois d'un régime standard à des personnes qui consommaient le FMD pendant 5 jours consécutifs par mois pendant 3 mois. Trois cycles de FMD ont réduit le poids corporel, la graisse corporelle totale et celle du tronc, la pression artérielle et le facteur de croissance analogue à l'insuline 1 (IGF-1) sans provoquer d'effets indésirables graves ».
Trois cycles de FMD ont réduit le poids corporel et le facteur de croissance analogue à l'insuline 1 (IGF-1) sans provoquer d'effets indésirables graves
Dans cette nouvelle étude, l'indice de masse corporelle, la pression artérielle, la glycémie à jeun, l'IGF-1, les triglycérides, le cholestérol total, les lipoprotéines de basse densité et la protéine C-réactive étaient plus fortement réduits chez les participants présentant à l’origine des niveaux élevés de ces facteurs de risque.
Le FMD freine le vieillissement
Dans cet essai randomisé portant sur 100 participants, une partie (groupe 1) a suivi un régime alimentaire normal pendant 3 mois, tandis que l’autre (groupe 2) a commencé les cycles de FMD. Après 3 mois, 43 participants du premier groupe ont suivi l'intervention utilisant le FMD.
Ont aussi été inclus des échantillons de sang provenant de participants à un deuxième essai portant sur l'utilisation de FMD pendant 4 mois consécutifs pour réduire les facteurs de risque cardiométaboliques, pour mesurer ses effets hypothétiques sur l'âge biologique, le risque de maladie et l'espérance de vie. Des mesures de la fonction endothéliale et de la compliance artérielle, de la pression artérielle, des lipides sériques, du glucose, de biomarqueurs cardiovasculaires, du poids corporel, de l’indice de masse corporelle (IMC) et de la composition corporelle ont été faites.
Les résultats montrent que 3 cycles de régime FMD réduisent l’IMC et la graisse corporelle totale, dont le tissu adipeux sous-cutané. La graisse hépatique a également été réduite, et très nettement (plus de moitié) chez les participants chez lesquels elle était de plus de 5 % avant l’intervention.
Le vieillissement entraîne une altération de la production et du fonctionnement des cellules immunitaires, un phénomène connu sous le nom d'immunosénescence. Dans l’étude, 3 cycles de FMD favorisent des effets rajeunissants sur le système immunitaire qui pourraient se traduire par une meilleure réaction aux agents infectieux, une diminution du risque de cancer du sang et de l’auto-immunité.
Finalement, les chercheurs ont estimé l'âge biologique médian des participants ayant suivi le régime FMD à partir de marqueurs biologiques : il a diminué de près de 2,5 ans. Cela suggère que les participants à l'étude qui ont suivi 3 cycles de FMD avaient des profils qui semblent biologiquement plus jeunes qu'au départ.
Sur la base de la simulation, le risque de mortalité par maladie cardiaque sur 20 ans a été réduit de 29,1 % à 15,4 % ; le risque de mortalité par cancer sur 20 ans a été réduit de 26,0 % à 18,9 % ; le risque de mortalité par maladie cérébrovasculaire sur 20 ans a été réduit de 8,2 % à 3,0 % ; et le risque de mortalité liée au diabète sur 20 ans a été réduit de 2,6 % à 0,6 %.
Ces résultats suggèrent que les cycles annuels de FMD peuvent modifier l'espérance de vie.
